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Groupe de parole "Famille nombreuse"

Réflexions psychanalytiques sur la famille nombreuse....

 

Les familles nombreuses sont incontestablement une exception...

 

On les dit « nombreuses » à partir de trois enfants et « très nombreuses » à partir de quatre. Ce qualificatif « quantitatif » est associé dès le départ de la représentation du terme à une notion « critique », positive ou négative. Le « nombreuse » est discriminatoire et est intrinsèque au reflet d’une différence.

La famille nombreuse n’est pas que « nombreuse » ou « « très nombreuse » mais possède, en plus de ses enfants, de nombreuses qualifications. En marge d’une société individualiste et privilégiant son désir de valeurs traditionnelles de partage et d’entraide ? Catho ? Libre de son choix ? Affranchie de la norme ? En décalage ? Inconsciente ? Courageuse ?

Selon certains et au mieux, la famille nombreuse fait penser à la famille Ingalls dans La petite maison dans la prairie, pour les autres et au pire à une vie en HLM et aux allocations de la CAF.

 

La famille nombreuse est volumineuse par sa taille mais elle prend aussi de la place dans les discours de par la polémique dont elle fait l’objet. Elle fait figure d’exception dans la société hypermoderne régie par la crise (certains parlent de « mutation ») de la famille et des valeurs. La famille nombreuse ne laisse pas neutre : admiration et incompréhension sont les deux versants des critiques qui lui sont faites.

Les parents des familles nombreuses sont las des questions récurrentes qui leur sont inlassablement posées : pourquoi vouloir tant d’enfants : « A quoi ça vous sert d’avoir autant d’enfants ? », « Vous comptez vous arrêter quand ? «  etc.

La famille nombreuse met en avant des représentations stéréotypées : la femme au foyer, la famille catholique, le refus de la pilule, les enfants ne pourront pas faire des études, les enfants partagent les chambres, les parents n’ont plus de vie privée, le corps de la mère se modifie, la famille vie des subventions de la CAF, la pauvreté, le bruit, la pagaille, etc.

Le choix de la famille nombreuse est un choix incompris d’autant plus qu’il est délibéré à une époque où la contraception existe, où la femme revendique une vie professionnelle égale à celle de l’homme et où les divorces vont crescendo. Pourtant, les regards, les réactions, les paroles ou les silences à l’égard de la famille nombreuse empiètent sur l’intime de façon familière et naturelle. Quelle mère de famille nombreuse n’a jamais été interpellée dans un supermarché par des inconnus qui au mieux lui disent « Je n’ai pu avoir qu’un enfant » ou « Vous devez en avoir du courage », au pire « Ils sont tous du même père ? ».

 

Pourquoi cette familiarité et pourquoi cette impression que la famille nombreuse représente pour les uns fantasme, regret ou à l’inverse ironie et mépris pour les autres alors que la distance avec la famille nombreuse est réelle de par les statistiques.

 

La famille nombreuse, on la laisse volontiers aux autres.

 

La famille nombreuse est un modèle dans lequel la société ne semble pas se reconnaître ni auquel elle ne semble vouloir s’identifier. Dans ce cas, pourquoi ce sujet prête-t-il tant à polémique et est-il en proie à des critiques si dures ? Si c’est un modèle familial qui, à priori, ne tente personne mais dans ce cas, pourquoi ne laisse-t-il pas indifférent, allant même jusqu’à à révolter beaucoup voire en outrer certains ? S’il n’y a pas d’identification possible, pourquoi persister alors dans une polémique exacerbée allant jusqu’à expliquer le chômage par la présence inconsciente des familles nombreuses, alors qu’on sait que les pourcentages font de la famille nombreuse (3 enfants) une minorité et de la famille très nombreuse (plus de 3 enfants) une minorité dans cette minorité. En effet, les réactions qu’elle suscite sont suffisamment engagées pour laisser penser qu’en dépit de ce reflet dans le miroir qui semble à priori brisé, l’autre se voit et se retrouve dans cette image.

Nous orienterons ce questionnement avec la pensée lacanienne que « ce schéma de vis-à-vis, de face à face dans la dualité du rapport au reflet – du miroir - , est posé par Lacan comme valant pareillement, situé de façon équivalente à ce qui concerne la relation à l’autre semblable, dit petit autre – dans le choix de notre cas, la famille nombreuse- . Autrement dit, il y a à cet égard stricte affinité, homologie, entre ce qui engage la relation à l’autre et ce qui se joue dans l’expérience spéculaire proprement dite, avec l’image dans le miroir (schéma L). Quand à leur structure et leurs effets, ces deux expériences relationnelles (de face à face : avec son reflet / avec un petit autre) sont posées comme strictement hoogènes. En ce sens, le moi est autre. Le sujet est aspiré par l’image, à la fois trompeuse et réalisée de l’autre, ou aussi bien sa propre image spéculaire, il pourra surenchérir que dans toute relation narcissique, le moi est l’autre et l’autre est moi.[1] ».

 

Dans une époque où le modèle familial à la mode est celui de l’enfant unique ou du modèle « une fille et un garçon », de la famille recomposée, de la famille monoparentale, de la famille homoparentale, à une époque où l’individualisme et l’hédonisme dominent sur le collectif et le don de soi et suite aux réactions de curiosité, de méchanceté et/ou d’admiration que suscitent la famille nombreuse dont personne ne semble pourtant vouloir et dans laquelle la majorité ne semble pas arriver à se voir, l’envie et le rejet ne se rejoignent-ils pas, comme peuvent le faire l’Eros et le Thanatos pour faire du modèle de la famille nombreuse une réponse combinant à la fois l’idéal du moi et moi idéal ? Les contraires se rassemblent, pour mieux se comprendre. Héraclite, ce philosophe qui faisait de Polemos le père des choses, disait que «la guerre est la véritable paix» et Hegel écrivait que «C’est seulement dans le risque de sa vie qu’on prouve sa liberté».

 

 

Partons d'une approche de l’aspect social, lequel permettra d’accéder par la suite à une approche du sujet selon un regard psychanalytique. La famille nombreuse est un modèle dans lequel la société ne semble pas se reconnaître ni auquel elle ne semble vouloir s’identifier. Il est question ici de l’image optique de surface de la notion de famille nombreuse en tant que projection d’une différence, induite par le regard d’autrui.

Il s'agit d'analyser les termes de  regard et de projection sous un angle psychanalytique afin de mieux comprendre l’image et la représentation sociale de la famille nombreuse. Avec Jung et la notion « porte-manteau » qu'il associe à la projection ou avec l’image chez Dolto et Lacan nous pouvons lier le sujet de recherche à l’inconscient au thème du miroir abordé notamment par Wallon, Zazzo, Winnicott, Lacan et Dolto.

 

Entrons dans le détail de la dichotomie qu’il y a entre le modèle de la famille nombreuse et les autres modèles, d’un point de vue psychanaytique  : cette différence entraine une brisure dans le miroir et donc un sujet barré, inexistant sans le discours qui le préexiste, ainsi que les identifications aliénantes qui déconstruisent le Moi, malgré que le regard de l’autre soit toutefois nécessaire.

Par la différence visuelle qu'elle entraine le reflet dans le miroir de la famille nombreuse est brisé  mais cette différence nous permet de poser la question de l’ALTERITE, laquelle nous permet de voir en l’autre certains aspects de nous-mêmes.

 

Enfin, au-delà des apparences, la surface informe sur les excuses, conscientes et inconscientes, habituellement données au désir et au non désir d’enfant.

Derrière le paraître, nous y voyonss le sujet désirant, résultat de l’intervention signifiante. En effet que le corps est langage, langage dans lequel s’intercale des symptômes. Désir d’enfant comme symptôme et  maternité comme sublimation de la pulsion, entendu comme étant instaurée dans un but de défense? Ce faisant, l’accent est porté sur l’ambigüité de la passion maternelle, laquelle peut être analysée sous le double aspect de l’amour et de la haine.

 

Questionnons - nous au sujet de la déviation de la pulsion qui engendre le passage à une décision du moi au cours de la sublimation : avec l’image de la famille nombreuse, il est question de ce choix, de ce basculement de la balance en faveur du Moi Idéal et de l’Idéal du Moi.

 

Notre développement nous aura conduis, au travers du thème du miroir, de la notion de l’image scopique dont nous sommes partis, au regard de l’autre, au sujet désirant qui se constitue dans le regard de l’autre, jusqu’à l’orientation du sujet dans sa propre vérité.

 

Concluons brièvement sur le thème du narcissisme, qui est le point dans lequel nous verrons que le Moi aura la force nécessaire pour trouver la réponse entre celui que j’ai été et celui que j’aimerai être, en pointant toutefois la possibilité de danger de se perdre dans sa propre image, tel Narcisse.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] G. Guillerault, 5Le miroir de la psyché, Dolto, Lacan et le stade du miroir, Gallimard, 2003, p135.

 

 

« Quand je débarque quelque part avec mes enfants, je sens sur moi des yeux interrogatifs : pourquoi, mais pourquoi, à l´heure actuelle, en avoir tant ?, raconte Hélène, mère de sept enfants. On est des animaux bizarres, même si en général cela suscite plutôt de la sympathie, donne aux gens l´occasion de raconter qu´eux aussi en auraient rêvé, si la vie. » Elle tempère cependant : « Il y a aussi des réactions hargneuses, du genre : "Vous ne savez pas que la pilule, ça existe ?" Je crois que c´est parce que le nombre dégage une impression de puissance, qui n´a rien à voir avec la réalité, mais peut sembler assez agressive. » [1]

 

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Travail de recherche sur la famille nombreuse entrepris par Corinne ALEXANDRE

dans le cadre d'un mémoire en Master de Psychanalyse en 2011

       Université Paul Valéry- Montpellier III – Département de Psychanalyse - UFR1

L’IMAGE DE LA FAMILLE NOMBREUSE :

AU- DELA DU REFLET DANS UN  MIROIR BRISE,

IDEAL DU MOI ET NARCISSISME EN QUESTION

 

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